Sol
Saule ANDRÉ, corde lissiste originaire de Lorraine, elle se forme aux arts du cirque en formation professionnelle à Genève (2018-2020) ainsi qu’en formation supérieure à la Rogelio Rivel Barcelone (2020-2021). Passionnée par la création de cabanes perchées dans les arbres, c’est donc tout naturellement qu’elle se tourne vers des études aériennes.
“Alors quel métier tu voudras faire quand tu seras plus grande? "
J’avais quatre ans la première fois qu’on m’a posé cette question et je n’avais pas vraiment une idée très fixe. Un métier, ça ne voulait pas forcément dire grand-chose pour moi, mais l’utilisation du singulier dans la phrase m’a terrifiée. Un métier, je ne savais pas mais des envies, j’en avais.
Je voulais être coupeuse d’ongle pour bébé, constructrice d’univers playmobile, espionne, je voulais être une sorte de famille d’accueil pour agneau. Je dois juste préciser à ce moment que j’ai grandi dans un village en Lorraine dans une ancienne ferme que mes parents ont retapé toute leur vie. J’ai principalement des souvenirs heureux avec les chats, les vaches et les moutons bien sûr. Cette question: “qu’est ce que je ferais plus tard?”; elle ne m’a pas quittée. Je me la suis constamment répétée , toute mon enfance, et encore maintenant, c’est devenu une obsession. Aussi j’ai voulu être mannequin chapeau pour changer de tête régulièrement, traductrice du lorrain ( parce qu’on a des mots magnifiques comme la clenche ou l’eau qui trisse qui devraient profiter au monde entier). Je voulais être costumière parce que j’ai toujours adoré l’art plastique et particulièrement la couture. J’ai voulu être comédienne quand j’ai commencé les cours de théâtre à la compagnie ça respire encore. J’ai et j’ai eu des rêves comme être une chanteuse égale à Amy Winehouse ou une danseuse personnalisée de voguing et popping pour Madonna. Je voulais être escrimeuse professionnelle; j’ai fait sept ans d’escrime, seulement la compétition m’a légèrement angoissée, alors après je voulais être escrimeuse non professionnelle. Je voulais être accordéoniste depuis cette fête marquante lorsque j’étais au Brésil, perdue dans la Chapada Diamantina, un concert improvisé sur des airs de forro...
Quoi d’autre? Quelque chose de plus sérieux…J’aime le café, je suis addict en réalité. J’ai voulu être serveuse dans un bar, mais je suis obligée de mentionner ma maladresse extrême, un manque de connexions neuronales je suppose, qui a conduit à l’ouverture d'un budget vaisselle pour la compagnie (cela dit je prépare le meilleur couscous brûlé mais au sacrifice de quelques casseroles). J’ai cherché : “lire des livres” comme métier, on m’a orientée vers critique littéraire… J’ai cherché un métier où je me sente valorisée en tant que femme, je n’ai pas trouvé.
On m’a souvent dit que j’étais naïve (aussi un peu obstinée et capable de m'enthousiasmer de petites choses), mais sans cette naïveté je pense honnêtement que je n’aurai pas eu ce chemin avec le cirque. J’ai découvert le cirque en commençant adolescente avec la compagnie Cirqmü qui m’a donné l’amour du collectif, de tournées et représentations, de la scène et l’humanité qui peut en découler. Puis en rentrant en formation professionnelle aux arts du cirque, j’ai voulu être cordelissiste. La rencontre avec cet agrès m’a ouvert un énorme espace de liberté et la découverte d’un étrange muscle prépondérant sur mon avant bras, je l’ai baptisé “quasimodo”. J’ai peur de dire que c’est mon métier parce que les choses m’ont montré que je n’étais pas trop quelqu’un faite pour les métiers mais je sais que je veux que le cirque soit présent dans mon quotidien, plus que ça je veux transmettre ce que je peux, ce que j’ai, à travers mes spectacles.